29.7.08

Nova

Je m'appelle Nova. J'ai été abandonnée par mes maîtres à l'âge d'un an. Je ne leur en veux pas. La vie est dure ici. Ce sont eux qui m'ont donné ce nom. Je l'ai gardé. A quoi bon en changer? Je m'y suis habituée.

A l'époque, j'étais pleine. J'ai mis bas dans la rue peu de temps après. Cinq petits. Heureusement, j'avais eu le temps de trouver un refuge, un coin à moi.

Mes chiots n'ont pas connu la vie près des humains. Pour eux, ils ne sont que des sujets d'observation. Pour moi, ils sont des souvenirs. Le souvenir d'un petit coin de chaleur près d'un vieux radiateur. Le souvenir d'un petit morceau de viande glâné sous une table. Le souvenir d'une caresse furtive. Tout ça est bien loin.

Moi et ma famille, on s'est d'abord installés dans une gare de banlieue. Ni trop près, ni trop loin de la ville. Je veux dire la grande ville. Moscou. On ne gênait personne. De temps à autre, les gens nous donnaient à manger. Surtout les vieilles femmes qui venaient travailler là. Celles qui vendaient de vieux bouquins à la sauvette. Elles s'occupaient de nous, ça trompait leur solitude.

On vivait à hauteur des rails, sous les quais. C'était tranquille mais dangereux. Un jour, deux de mes petits sont morts happés par un train. Il sont restés là, sur place, pendant plusieurs jours. Personne n'est venu ramasser leurs petits corps sans vie montrés du doigt par des passants trop curieux. Cela me rendait triste de les voir ainsi mais que voulez-vous? Il fallait que je veille sur les autres. Eux, ils étaient déjà morts. Ils n'avaient plus besoin de moi.

Peu après, j'ai quand même décidé de changer de coin. J'avais trop peur. On est donc partis. Moi et ma tribu. On s'est installés avec d'autres chiens. C'était plus sûr. Ils nous ont bien acceptés, tant et si bien que j'ai donné naissance à d'autres chiots peu après notre arrivée.

Nous vivons désormais en bordure de la ville près de la route de Iaroslav dans de vieux bâtiments désaffectés. Nous avons appris à ne sortir que la nuit pour trouver notre nourriture. Les poubelles sont une source sûre, les rats un gibier recherché. Nous ne nous aventurons plus en ville comme autrefois, tous ensemble. Cela fait peur aux gens et ils nous chassent, alors à quoi bon? On reste à l'écart, entre nous.

Je ne fais plus confiance aux hommes. Même ceux qui nous nourissent. Quelquefois c'est pour nous piéger alors maintenant je me méfie. Je ne m'approche plus d'eux sauf de cette vieille femme qui nous apporte de vieux croûtons rassis et du lait. Elle, elle nous aime bien. Ça se voit dans ses yeux. Je mendie une caresse, un mot. Elle me les donne de bon coeur. Elle aussi, je la sens abandonnée. On se réconforte l'une l'autre.

Je m'appelle Nova et ma vie est rude. J'ai un nom. Mes compagnons d'infortune n'ont pas cette chance. Eux sont nés dans le froid livrés à eux-mêmes. J'ai gardé mon nom d'avant car il me plait. Il fait partie de moi. Je m'appelle Nova.

28.7.08

MKAD

Sacha appuya sur l’accélérateur puis ralentit presque aussitôt. A cette heure de la journée, la MKAD, route périphérique qui encerclait Moscou, était déjà complètement bloquée. Il faisait chaud et son vieux fourgon, hérité de son père quelques années plus tôt, n’avait pas l’air conditionné. L’air était moite et l’orage menaçait.

Il espérait que le trafic serait moins dense au niveau de la Koutouzovski Prospect qu’il devait emprunter pour rejoindre Nastya. Il ne se faisait pourtant pas trop d’illusions car tous les vendredis soirs, les moscovites avaient coutume de prendre leurs voitures pour fuir la ville. En cette veille de week-end, la règle semblait respectée et Sacha se préparait à de longues heures d’attente dans les embouteillages.

Pas que ça le gêne tant que ça. Ce qui l’embêtait c’était plutôt que Nastya allait s’impatienter et serait sans doute d’une humeur de chien à son arrivée.

Il avait rencontré Nastya grâce à Ivan Zaitsev, l’homme qui l’avait embauché comme chauffeur à son arrivée de St-Petersbourg. Nastya était son assistante. Enfin, c’est ce qu’elle prétendait parce qu’elle avait plutôt été engagée pour faire une faveur à son père, riche entrepreneur moscovite. Elle n’avait pas grand-chose à faire à part répondre au téléphone. Pour Ivan, c’était une standardiste plus que superflue mais qui pouvait s’avérer fort utile en temps voulu.

Elle s’ennuyait à mourir et, comme lui aussi passait beaucoup de temps à attendre devant la porte du bureau où Ivan s’enfermait pour régler ses affaires comme il disait, ils avaient vite sympathisé. Nastya n’avait que vingt ans mais elle en paraissait bien plus. Jolie, brune et menue, elle lui avait tout de suite plu mais c’est son caractère entier teinté d’un brin de naïveté qui l’avait charmé.

Depuis qu’il fréquentait Nastya, Sacha se sentait pourtant moins sûr de lui. Il n’était pourtant pas d’un naturel jaloux mais il ressentait de plus en plus le besoin de savoir où elle se trouvait, avec qui. Il l’appelait souvent ces temps-ci et il voyait bien qu’elle, ça l’énervait un peu. Elle était beaucoup plus jeune que lui et il avait peur de la perdre. Il ne voulait pas se rendre à l’évidence que, pour elle, tout ça n’était qu’un jeu.

Sacha bifurqua sur sa droite pour sortir du périphérique en direction du sud-ouest. Il se retrouva alors coincé dans une file de voitures qui s’étendait jusqu’à l’horizon.

Le père de Nastya avait construit pour lui et sa famille une somptueuse villa en bordure de Moscou et c’est là que Sacha se rendait. Bien sûr, Nastya ne l’y invitait que quand elle avait la maison pour elle toute seule.

La villa était immense. Sacha y faisait l’expérience d’une vie de luxe entouré d’objets précieux dont il ignorait la vraie valeur, des choses dont il était sûr qu’une vie entière de son salaire n’aurait même pas pu payer. Il se sentait étranger à cet environnement mais s’y sentait bien, même si ce n’était que pour quelques heures.

Il n’avait pas raconté à Nastya sa vie d’avant à St-Petersbourg et elle ne savait même pas tout de sa vie de maintenant. Elle ne connaissait pas le petit appartement qu’il partageait avec Kiril, son cousin. Elle ignorait aussi que c’était Ivan qui lui achetait les costumes qu’il portait, censé servir d’uniforme lorsqu’il conduisait sa voiture.

Après avoir passé quatre heures sur la route pour parcourir les 80km qui séparait Moscou de la petite ville où Nastya habitait, Sacha tourna sur sa gauche, emprunta une petite route droite bordée de vieilles maisons en bois délabrées. Malgré l’heure tardive, des lumières filtraient derrière les vitres sales des fenêtres. Il tourna de nouveau à gauche et se retrouva sur un chemin de terre boueux. Deux rangées de villas gigantesques, chacunes abritées derrière des murs hauts, s’étalaient de part et d’autre de la rue. Il gara son fourgon à hauteur de la troisième maison sur sa droite et descendit rapidement du véhicule.

Il fit quelques pas vers l’interphone et sonna. Une petite voix familière lui ordonna d’entrer, d’un ton sec plus menaçant qu’un orage d’été.

24.7.08

Serebro just gets better and better

A new song called "Dirty kiss" for your ears & eyes only.



It's so good I'm actually rolling on the floor right now.